Les imitations de parfums de marque ont le vent en poupe. Mais quelle différence y a-t-il entre un parfum de marque, un dupe et une contrefaçon?
Le dupe, c’est la version à prix mini d’un article de marque. Qu’il s’agisse d’un produit de luxe, comme un sac Hermès, ou du fer à coiffer Dyson Airwrap, de très nombreux articles ont désormais leur dupe. Qui ne cherche pas à se faire passer pour un produit de la marque d’origine. C’est une copie, le plus souvent low cost, et présentée comme telle, que la génération Z (ou Gen Z) plébiscite. Et l’inflation ne devrait pas freiner la tendance.
Dans ce monde de dupes, les parfums ont particulièrement la cote. Le recours à des ingrédients moins coûteux - le plus souvent synthétiques - et l’absence d’innovation, de packaging particulier, de publicité à rétribuer leur permettent d’être jusqu’à dix fois moins cher. Par exemple, la copie d’Aqua di Giò d’Armani, vendu 77,50 € chez Nocibé, est proposée à 5,99 € chez Lidl.
Des copies de parfums tendances
Les dupes permettent parfois de trouver une copie d’un parfum disparu, comme l’Eau de Gucci II, mais le plus souvent ce sont des copies de parfums « tendance » encore commercialisés. Résultat, ils concurrencent le parfum de marque mais se font aussi de l’ombre entre eux. « Zara n’est pas le seul à produire des parfums de marque, Lidl est un concurrent redoutable », juge ainsi Candice Mellot sur sa vidéo TikTok de présentation des dupes de Lidl.
Zara, Mango, Action, Lidl mais aussi Adopt, Divain, Michel Parfums, Les Parfums d’Igor, Alexandria Fragrances… Les fabricants et distributeurs se multiplient et certains parfums se retrouvent avec des dizaines de dupes. Lovely (Suddenly, marque distribuée par Lidl), Sweet romance (Adopt), Tuberose (Zara), Love It (Les parfums d’Igor), F14 (Michel Parfums), 63 (Divain)… sont autant de dupes de J’adore (Dior).
Les marques de luxe copiées surveillent ça de près. « Cette pratique (…) peut être considérée comme déloyale et parasitaire, remarque Chanel. On peut également y voir une forme d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle ». Mais une forme seulement.
Car sur le plan juridique, n’importe qui peut copier une fragrance car la marque olfactive n’est pas protégée. « On peut très bien faire un “à la manière” d’un Chanel n° 5, influencé par les mêmes familles olfactives », précise Véronique Dupont, parfumeuse-créatrice chez Azur Fragrances.
Quasi irréalisable pour un parfum très haute gamme
En ligne les commentaires vont des plus enthousiastes aux… moins élogieux. À propos d’une copie de Sauvage, un internaute parle de « parfum ordinaire qui, au mieux, sent l’alcool, au pire un savon assez répugnant ». Mais est-il techniquement possible d’obtenir une copie capable de duper un professionnel ? « Cela dépend du talent du parfumeur. Mais pour un parfum très haut de gamme, c’est quasi irréalisable. On ne peut pas faire un n° 5, par exemple, avec n’importe quel ingrédient. C’est comme pour un vin : les essences diffèrent suivant les terroirs, l’orientation », insiste-t-elle.
Or les grands parfumeurs ont leur propre production de fleurs, des matières premières exclusives, comme celles que font pousser la famille Mul, à Grasse, pour Chanel. On peut remplacer l’essence de rose et d’ylang du n° 5 par d’autres matières premières. « Mais ce sera moins tenace, poursuit Véronique Dupont. En général, le dupe peut faire illusion au début, sur la note de tête mais pas sur la tenue, la diffusion ». Les différences se jouent sur la nature des ingrédients, leur volatilité mais aussi la quantité de solvants qui influent la concentration (à ne pas confondre avec le degré alcoolique sur le flacon).
Equivalenza condamnée pour contrefaçon
Ainsi, le dupe est faisable techniquement et légalement. Mais il y aurait une ligne à ne pas franchir : associer explicitement la copie à l’original. En janvier 2023, Equivalenza a ainsi été condamnée pour contrefaçon. « Nous avons gagné ce procès en caractérisant le tableau de concordance : Equivalenza faisait le lien entre leur jus, désigné par un numéro, et le nom de la marque copiée », explique Xavier Guéant, directeur juridique de la Fédération des entreprises de la beauté (Fébéa).
Une pratique que l’on rencontre ailleurs : Parfums Star et Orwells présentent leurs parfums comme « inspirés par », Divain comme « similaires à ». Michel Parfums comme des « alternatives à » en précisant être « tenus d’informer que les parfums proposés ne sont en aucun cas des copies, des imitations, ou des équivalents, mais des créations originales élaborées dans un esprit olfactif proche de celui de notre parfum préféré ».
D’autres n’ont pas recours à ces formulations mais profitent (ou utilisent ?) des tableaux de concordance 2.0 : les comptes Instagram et chaînes TikTok qui listent les dupes, parfois en les comparant entre eux. Ces questions de contrefaçon ou de concurrence déloyale concernent surtout les marques.
Un cosmétique soumis à des règles
Pour le consommateur, le dupe est au mieux une imitation à moindre coût, au pire une imitation ratée, qui ne coûte pas trop cher. À un détail près. Le dupe est un cosmétique comme les autres, qui doit répondre aux exigences du règlement cosmétique européen.
Attention aux dupes vendus sur les marchés sans les mentions légales associées ou sur des sites opaques qui n’affichent ni adresse ni conditions générales de vente (comme Divain). Ou affichent des données fantaisistes, comme Orwells, dont le numéro d’immatriculation et l’adresse sont ceux de Kandbaz, une société de domiciliation d’entreprises.