Attention aux « pingti », ces copies chinoises de luxe qui s’affichent sans marque

Déjà très répandue dans la mode et la maroquinerie de luxe, la pratique s’élargit aux cosmétiques ou aux chaussures : des copies conformes de luxueux produits emblématiques, mais sans marque apparente, se vendent massivement en Chine. Ce sont pourtant de véritables contrefaçons, nous explique un avocat spécialisé.

Peut-on librement vendre (ou acheter) la copie quasi-conforme d’un luxueux produit réputé… si l’on s’abstient d’y apposer la marque originelle ? La pratique se développe en Chine : sur fond de ralentissement économique, de fortunés Chinois s’arrachent les « pingti » (« leurres »). Des imitations souvent de très grande qualité, qui revendiquent les mêmes procédés de fabrication et matières premières que les originaux. Mais sans marque, ni logo. On trouve ainsi sur des sites internet spécialisés d’impeccables copies de sacs Hermès, de produits Prada, ou encore de tailleurs Chanel. Même les cosmétiques et les parfums les plus prisés sont concernés.

Des produits chers… mais moins que les originaux

Le prix ? Cher, parfois très cher. Mais bien moins qu’avec les originaux. Ainsi, le Chinois Chicjoc propose-t-il des cardigans, pulls ou manteaux « en laine et cachemire » à « seulement » 200 ou 500 euros pièce, contre cinq à dix fois plus pour les véritables pièces de luxueuses marques européennes.

Selon un article de Fashionnetwork France, l’industriel se fournirait même en tissus italiens, chez le fournisseur de Prada et Bottega Veneta. De même, la copie d’une luxueuse crème hydratante japonaise de SK-II (1 700 yuans les 330 ml, soit plus de 200 euros) se trouve trois fois moins chère. Les acheteurs l’assurent : il n’y a aucune différence avec l’originale, sauf l’absence de logo. On est donc loin des contrefaçons très bon marché, comme ces pseudo-sacs Vuitton en faux cuir mal cousu qui envahissent parfois les marchés.

Forte croissance des ventes

Résultat, de plus en plus de clients fortunés sautent le pas, à mesure que la situation économique chinoise se dégrade. Les vendeurs en profitent : selon Bloomberg, entre août 2023 et juillet dernier, plusieurs marques chinoises proposant des « pingti » ont affiché une croissance à deux, voire trois chiffres sur les principales plateformes d’e-commerce (qui appartiennent au groupe Alibaba).

En parallèle, les ventes de luxe de marques étrangères (européennes, dont les géants français), dont les produits sont souvent copiés, ont vu leur croissance ralentir quand elles n’ont pas diminué. D’autres marques occidentales, moins luxueuses, comme Nike ou même Uniqlo, sont également victimes.

Souvent des contrefaçons

Surtant, à la différence des « dupes » qui rencontrent un grand succès, il s’agit bel et bien de contrefaçons, estime l’avocat spécialisé en propriété intellectuelle Antoine Chéron : « La fabrication et la distribution de copies conformes de produits de luxe, même sans apposer de marque, sont strictement encadrées par la loi, tant au niveau international qu’en droit français et européen ». Il évoque notamment le droit d’auteur, qui protège « automatiquement » – sans démarche particulière – « toute œuvre de l’esprit originale ».

Le droit européen sur « les dessins et modèles » protège aussi tout « design enregistré dans l’Union européenne », ce qui « permet à son titulaire d’en interdire l’utilisation non autorisée », et ce « pendant une durée pouvant atteindre 25 ans ». Mais, même sans démarches spécifiques, « une protection pour les dessins et modèles non enregistrés accorde une protection de trois ans à partir de la date de divulgation publique du produit », ajoute l’avocat.

Parasitisme

Plus largement, « même en l’absence d’apposition d’une marque, la fabrication de copies conformes peut être qualifiée de contrefaçon », insiste-t-il. Celle-ci ne se limite en effet pas « à l’imitation d’une marque », mais « englobe également l’utilisation non autorisée d’un modèle, d’un dessin ou d’une œuvre protégée ». De même, la reproduction d’un produit pour bénéficier « de la notoriété » et/ou « du savoir-faire associé à ces produits » peut constituer une forme de concurrence déloyale ou de parasitisme.

Enfin, un brevet peut protéger telle ou telle autre partie d’un modèle (une fermeture, par exemple), et les grandes marques les déposent généralement à l’international. Ce qui n’est pas forcément le cas pour un fabricant plus modeste, de fait « plus vulnérable à la contrefaçon », concède l’avocat spécialisé.

Source d'information
Le Dauphine
Photo
Cottonbro studio, Pexels

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