Miss Boo, la styliste préférée des drag queens

Robe noire et rose à la traîne démesurément longue, corset et crinoline ornés d'hortensias... Miss Boo, styliste prisée des drag queens et des effeuilleuses burlesques, mêle créativité et savoir-faire pour habiller les candidates de l'émission "Drag Race".

De La Grande Dame, célèbre "queen", à Arielle Dombasle, en passant par des anonymes en quête d'une tenue de scène ou de soirée, la jeune femme "d'une vingtaine d'années", qui tait son nom et son âge, reçoit dans son appartement-atelier de Saint-Mandé, en banlieue parisienne.

Aux murs, croquis de tenues et essais de motifs pour tissu disputent l'espace à des trophées de chasse couverts de bijoux fantaisie. Des mannequins arborent sa "spécialité": les corsets.

La créatrice, jupe crayon, chemise nouée, cheveux peroxydés et visage fardé, a découvert la mode à travers la féminité exacerbée des pin-ups.

"Quand j'étais enfant, je suis tombée sur Marilyn Monroe et je me suis dit: 'elle est trop belle, je veux être comme ça !'", se souvient-elle pour l'AFP. Au fil de son éducation stylistique, viendront s'ajouter les "cocottes" du début du 20e siècle ou le Hollywood des années 1940.

"Liberté" 

La rencontre de Miss Boo avec l'univers des drag queens et le cabaret burlesque remonte à son arrivée à Paris, à 18 ans, pour intégrer une école de mode, dont elle sortira en 2016 avec une spécialisation hommes suivie sur les conseils d'une professeure et devenue essentielle à son travail.

"J'ai commencé à beaucoup faire la fête et à m'habiller. J'aimais bien me mettre en scène et c'est comme ça que j'ai attiré l'attention des artistes", raconte-t-elle. "Tout cet univers est ultra-important pour moi parce que c'est une façon de s'exprimer, de pouvoir faire des choses extravagantes. C'est ça que j'aime le plus, cette liberté."
Les tenues de la créatrice peuvent être "complètement exubérantes", comme cet ensemble mêlant pattes de grenouille et tour Eiffel réalisé pour La Grande Dame, mais n'allez pas lui parler de costume.

"C'est du vêtement, de la couture!", assène-t-elle. "Pour moi, costume c'est, entre guillemets, péjoratif parce qu'on a toujours l'idée d'un déguisement avec peu ou pas de finitions. Mais mon travail, c'est comme dans les ateliers à l'ancienne: on fait tout de A à Z. C'est aussi beau à l'intérieur qu'à l'extérieur.

La jeune femme garde d'ailleurs un pied dans la couture plus traditionnelle, concevant notamment des pièces pour Victor Weinsanto, créateur français à l'esthétique queer et burlesque. "La recherche est la même", explique-t-elle: "on veut faire quelque chose de nouveau et de beau."

Visibilité 

Pour "Drag Race", concours de drag queens dont la troisième saison est diffusée sur France 2, Miss Boo conçoit avec les participantes et réalise avec d'autres professionnels autour de cinq tenues en cinq semaines. "Normalement, je prends un mois pour en faire une, donc c'est chaud".

D'autant qu'il ne s'agit pas de vêtements comme les autres: sa robe noire et rose pour Cookie Kunty dans la saison 2 faisait 4 mètres au sol. "On était six à travailler dans le hall d'entrée (de l'atelier), devant les voisins", se remémore-t-elle.

Le budget est une autre difficulté, les "queens" en étant de leur poche en grande partie. "Je le fais parce que ça me met en avant et parce que c'est cool pour les drags que j'aime bien et qui m'ont fait vivre, mais je n'en vis pas", ajoute la créatrice.

Celle-ci souhaiterait qu'elle et les autres "artistes de l'ombre", perruquiers ou prothésistes ongulaires, soient mieux valorisés à la télévision. "C'est la cliente elle-même qui, sur son profil Instagram, écrit qui a fait quoi et c'est un peu dommage (...) parce que, sans nous, on ne pourrait pas avoir tout ça".

Participation au relais de la flamme olympique, lectures pour enfants, bingos, festival "This is drag" les 6 et juillet à Paris... "Je ne passe plus une soirée sans voir une drag queen", sourit Miss Boo. "Il y a une évolution, notamment grâce à 'Drag Race': elles sont plus visibles, on en parle plus librement et c'est très positif."

Source
Raphaëlle PELTIER, AFP, Fashion Network
Image
Miss Boo website, Fashion Network