Comment le "Wirkin", le faux sac Birkin de Walmart, est devenu un symbole anti-élite

Le géant américain de la distribution a dû retirer de la vente un sac ressemblant à s’y méprendre à celui vendu par Hermès. Sur les réseaux sociaux, le “Wirkin” fait sensation et les internautes se réjouissent de pouvoir enfin s’offrir ce bout de luxe.

Les fans de la série Sex and the City se rappellent certainement de l’obsession de Samantha pour le sac Birkin d’Hermès… et tout le mal que le personnage s’est donné pour l’obtenir. Un quart de siècle plus tard, rien n’a changé : le Birkin reste le sac le plus convoité au monde. De Kim Kardashian à Lady Gaga, les stars continuent de se l’arracher, tandis que les anonymes doivent toujours s’armer de patience (et d’une somme rondelette) pour en acquérir un.

En effet, pour détenir une version du sac conçu pour Jane Birkin en 1984, il ne suffit pas de se rendre en boutique Hermès. La demande surpasse très largement l’offre, au point qu’il faut se soumettre à un exigeant système de prise de rendez-vous. Et ce, juste pour avoir le droit d’en acheter un neuf au bout de quelques mois, voire années. Le tout, sans jamais savoir quel modèle sera disponible le moment venu.

Mais le mois dernier, le caractère hautement exclusif du Birkin a été remis en question par Walmart. Le géant américain de la distribution a commercialisé sur sa marketplace des sacs ressemblant furieusement à ceux conçus dans les ateliers Hermès. Vendus par des sociétés tierces, les cabas coûtaient entre 78 et 102 dollars (75 à 98 euros), alors que le prix d’un Birkin varie de quelques milliers à plusieurs centaines de milliers d’euros.

Inspiration ou imitation ?

C’est ce que l’on appelle un “dupe”, soit un produit qui s’inspire largement d’un design célèbre, sans pour autant reprendre son nom ou son logo. Sur les réseaux sociaux, l’imitation a rapidement fait parler d’elle. Entre deux unboxings, les internautes lui ont même donné un nom : le “Wirkin” de chez “Welmes”. En l’espace de quelques jours seulement, plusieurs coloris n’étaient déjà plus disponibles à la vente.

Malgré ce succès, Walmart a décidé de retirer les “Wirkins” de son site d’e-commerce, sans fournir plus d’explications. Une source au sein de l’entreprise a déclaré à Business Insider que le distributeur adoptait une approche prudente avec « les annonces pouvant être risquées ». Et pour cause : selon certains experts du droit de la propriété intellectuelle, les “dupes” de sacs Birkin pourraient être considérés comme de la contrefaçon – un délit pouvant être puni de trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende en France. « Un produit comme celui-là est sans aucun doute une contrefaçon », a ainsi jugé Delphine Sarfati, directrice générale de l’Union des fabricants (Unifab), citée par franceinfo. Selon elle, « il n’est pas nécessaire que la marque apparaisse » pour qu’un “Wirkin” soit qualifié comme tel. Un avis partagé par l’avocat Antoine Chéron, que nous avions interrogé il y a quelques mois au sujet des “pingti”, sorte de “dupes” chinois.

Rendre accessible l’inaccessible

Contrefaçon ou pas, les internautes américains ont plutôt vu d’un bon œil l’apparition de ces copies bon marché. Nombreux sont ceux à s’être réjouis de la démocratisation d’un produit jusqu’ici inaccessible au commun des mortels : « Pour 80 dollars, vous pouvez prétendre que vous avez un Birkin », a ainsi lâché une influenceuse dans une vidéo devenue virale.

Mais la tendance du “Wirkin” illustre aussi un changement de comportement des consommateurs vis-à-vis du luxe. Comme le souligne une utilisatrice de TikTok, la rareté et le prix exorbitant du Birkin en ont fait « un marqueur de statut social », pas toujours bien perçu à une époque où les inégalités se creusent. Au point de « symboliser désormais objectivement la lutte des classes », selon Aarushi Bhandari, professeure adjointe de sociologie au sein du Davidson College.

Sur TikTok, de nombreux commentaires appellent à « manger les riches » sous les vidéos ayant trait au “Wirkin”. Sur le site The Conversation, Aarushi Bhandari dresse un parallèle entre le sac de Walmart et l’affaire Luigi Mangione : selon elle, ils traduiraient tous deux des « sentiments anti-élite ». Au point que des TikTokeurs font de l’achat d’un “Wirkin” un geste militant visant à dévaluer le sac iconique.
Acheter de la contrefaçon n’est plus si honteux

Acheter de la contrefaçon serait-il devenu cool ? 

Un récent sondage de l’Unifab l’a montré : en France aussi, la contrefaçon est de plus en plus tolérée. Plus de la moitié des Français pensent que c’est une manière de lutter contre la vie chère et d’accéder à des produits que l’on n’aurait pas achetés autrement. Deux sur dix pensent même qu’il s’agit d’un acte contestataire.

De quoi inquiéter les grandes maisons ? Jusqu’à présent, Hermès n’a pas commenté le succès des sacs “Wirkins”. La marque semble en tout cas bien se porter : malgré le ralentissement de la demande, son chiffre d’affaires a bondi de 13,8 % sur les neuf premiers mois de l’année 2024. Mais comme les autres géants du luxe, Hermès est confronté à un « rétrécissement » de sa base de clientèle : selon une étude réalisée par Bain & Company, en deux ans, le marché du luxe a perdu 50 millions de clients, découragés par des prix trop élevés.

Source d'information
DNA
Photo
Wen-Cheng Liu - Flickr

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